Les franchises : vaches à lait ou poids morts des industries médias ?
Par Camille Farah
« Tout ce que nous faisons consiste en marques et franchises », disait en 2015 Jay Rasulo[1], directeur financier de Disney, résumant ainsi la stratégie de la major américaine. Toutefois, au vue de l’échec de Solo au cinéma à travers le monde – les analyses laissent à penser que ce spin-off de Star Wars perdrait 50 à 80 millions de dollars[2], qu’est-ce qui pousse Disney, et autres grands studios de cinéma ou développeurs de jeux vidéo, à croire dans la stratégie de franchises ?
La franchise ou poule aux sequels, prequels, spin-offs et reboots d’or
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : parmi les 10 plus gros succès au box-office mondial, huit films font partie d’une franchise[3], et deux d’entre eux sont des productions Marvel encore en salles aujourd’hui dans le monde. Seuls neuf films sur les 50 plus gros succès au box-office ne sont pas liés à des franchises – sept, si l’on considère Avatar comme le premier volet d’une franchise et Titanic comme un reboot. Néanmoins, si l’offre en films de franchise abonde, c’est que la demande en la matière est bien là. L’audience est désormais habituée à attendre un prochain épisode et à suivre des intrigues plus longues, probablement et en partie grâce au large succès des séries. Au-delà de ça, l’audience recherche aussi des histoires plus complexes et aime à voir grandir et évoluer au fil de celles-ci les personnages auxquels elle s’est attachée.
Pour ce faire, les studios ont besoin de franchises solides. Ces dernières doivent être à la fois flexibles et susceptibles de rapporter de l’argent, permettant ainsi non seulement de réaliser un grand nombre de titres sous la même marque, mais aussi de rapporter beaucoup de recettes à chaque fois. Cependant, établir de nouvelles propriétés intellectuelles n’est pas chose aisée. Les cas de John Carter ou The Lone Ranger de Disney sont devenus les exemples parfaits de tels échecs au sein de l’industrie. C’est la raison pour laquelle les studios ne se séparent pas si facilement de leurs franchises : Sony a préféré créer un troisième reboot de Spider-Man plutôt que de le revendre à Disney, NBCUniversal redonne vie à des marques mémorables telles que Jurassic World ou Halloween[4]et Fox affine sa cible avec des films comme Deadpool ou Logan qui adressent une audience plus mûre. De plus, profiter de franchises existantes réduit le risque d’en créer de nouvelles, plus particulièrement dans l’industrie du jeu vidéo. Inventer une toute nouvelle franchise, comme Naughty Dog ou Rockstar Games l’ont respectivement fait pour The Last of Us ou Red Dead Redemption, requiert énormément de ressources, car tout doit être construit à partir de zéro tout en gardant à l’esprit qu’il faudra offrir au bout du compte une expérience unique aux joueurs. Aussi, les franchises tendent à rassurer les créateurs, investisseurs et consommateurs sur leur probabilité de succès, bien qu’en réalité, elles ne soient pas toujours très bien accueillies.
La franchise ou le cadeau empoisonné
Or, durant ces deux dernières années, beaucoup de films de franchises n’ont pas rencontré le succès attendu. Des Independance Day, L’Âge de glace, Alice au pays des merveilles ou Le Chasseur et la reine des glaces en 2016[5], mais aussi les Pirates des Caraïbes ou Transformers de 2017 font figure d’exemples parmi tant d’autres[6]. En particulier, l’échec de La Momie de NBCUniversal, qui introduisait la franchise Dark Universe, remet en question le lancement d’une saga centrée autour des grands atouts monstres (tels que Dracula ou Frankenstein) que possède le studio.